Swatch: Polémique au conseil d’administration
Assemblée générale de Swatch, 29 mai 2013, la réélection sans surprise du conseil d’administration provoque la polémique,…
Alors que la transparence, le say on pay et l’indépendance font partie des sujets phares de la gouvernance aujourd’hui, Swatch résiste encore à leur application.
Nayla Hayek, présidente du conseil d’administration, a remercié à l’issue du vote à main levée les 2657 actionnaires présents « d’être si fidèles et de partager les mêmes valeurs » que la famille Hayek.
Or, avant l’AG quelques voix d’opposition d’organisations actionnariales se sont élevées concernant l’étonnant manque de transparence dans la gouvernance de Swatch Group, conseillant de voter contre la réélection du conseil d’administration en bloc en guise de signal. La Fondation Ethos dirigé par Dominique Biedermann fait partie de ses voix.
De l’élection en bloc écartant toute nuance… Swatch fait partie des dernières sociétés cotées sur le marché Swiss Market Index suisse à pratiquer ce genre d’élection en bloc de tout le conseil d’administration (pour trois ans). Un seul actionnaire, représenté par Bernard Lehmann, a osé demander une élection séparée pour chacun des membres malgré un large consensus qui semblait se dégager sur la question de la part des actionnaires présents; trop petit et seul pour s’opposer à la réélection quasi unanime et en bloc de la présidente Nayla Hayek, son frère et directeur général du groupe Nick Hayek, Esther Grether, Ernst Tanner, Claude Nicollier et Jean-Pierre Roth.
Le président d’Ethos, qui représente plus de 140 fonds de pensions et fondations d’utilité publique en Suisse, avait notamment souligné que ce mode électif ne permet pas de donner un avis sur la poursuite du mandat de Nick Hayek qui est aussi directeur général de la société.
Sans décision du conseil d’administration lui-même, organiser un contre-pouvoir efficient est un tour de force. Les proches de la famille Hayek détiennent 41,7% des voix et le groupe d’actionnaires autour d’Esther Grether, membre du conseil d’administration, détient 7,2% des voix. Le reste des voix est détenu par une majorité de têtes dites blanches, des petits actionnaires isolés soutenant largement la famille Hayek.
De l’indépendance des membres du conseil… étroitement lié à la réélection du conseil en bloc, les membres de celui de Swatch manquent d’indépendance au regard de la définition et de l’importance que l’on donne aujourd’hui à ce regard extérieur qui est sensé exercer un contrôle de la direction (cf loi) : « il doit assumer un rôle de haute stratégie et de haute surveillance ».
Jean-Pierre Roth, également membre des board de Nestlé, de la compagnie d’assurance Swiss Re et de la Geneva Cantonal Bank dont il est le président, est le seul membre objectivement indépendant du conseil d’administration.
De l’idée d’un say on pay… Un manque de transparence est également pointé s’agissant des rémunérations qui ne font pas l’objet de consultations comme c’est le cas pour toutes les sociétés cotées (SMI). Sans parler du salaire du CEO, Nick Hayek, la présidente du conseil d’administration, sa soeur Nayla Hayek a touché près de 3,8 millions de francs l’an dernier, et 3,88 millions en 2011. Cette rémunération est très généreuse pour une présidence de CA, une des plus élevée parmi les entreprises cotées au SMI. (en comparaison l’ensemble du conseil d’administration a reçu 4,43 millions en 2012, et 4,46 millions l’année précédente).
Cette façon de fonctionner aux allures oligarchiques peut-elle durer ?
Certes les comptes ont été largement approuvé, le chiffre d’affaires brut du groupe a progressé l’an dernier de 14% et le résultat net de 26%… certes Swatch est très moteur sur son marché et vient de développer un nouveau mécanisme automatique qui sera sur le marché à la rentrée… aujourd’hui les signaux sont au vert et la confiance est acquise, qu’en sera-t-il le jour où le groupe aura besoin de garde-fous inexistants aujourd’hui ?
L’initiative Minder (initiative populaire suisse qui porte le nom de Thomas Minder, conseiller aux Etats) « contre les rémunérations abusives » approuvée par le peuple et les cantons le 3 mars 2013 remédiera à ces problématiques. Cette initiative vise notamment à ajouter un nouvel alinéa à l’article 95 de la Constitution fédérale pour obliger les sociétés anonymes suisses à soumettre au vote l’ensemble des rémunérations « du conseil d’administration, de la direction et du comité consultatif » par l’assemblée générale (ainsi que pour interdire les indemnités de départ, primes d’entrée et encadrer les primes d’achat ou de vente d’entreprise).
Swatch Group devra aussi se conformer à une élection annuelle et individuelle des membres du conseil d’administration, normalement dès l’an prochain.
Ce type de gouvernance ne pourra donc pas durer.
A suivre,…